Comprendre les pensées
Il arrive un moment où il devient évident que s’attacher à des concepts, c’est également se cramponner à l’ignorance. Cet instant est un bain de pure grâce. C’est comme si le cœur se délestait d'une tonne de briques (même si le concept le plus lourd ne pèse même pas un milligramme !). La libération, enfin ! Quel soulagement ! Puis le temps passe, les vieilles habitudes reviennent et le mental se recouvre à nouveau d'une épaisse couche de poussière. A présent, l'attention qui avait balayé tout le conditionnement passe en arrière-plan. Il semble qu’il est temps d’être particulièrement attentif et d’éviter que tout concept, quel qu’il soit, puisse s’infiltrer dans la psyché.
Eviter le vide semble absurde, et c’est absurde.
Il est futile d’éviter les pensées ou les concepts. Ceci est également impossible. Echapper à l’ignorance signifie comprendre qu'elle est intrinsèquement et essentiellement dénuée d’ignorance. Explorez, afin de découvrir ce qu’est réellement une pensée. Quand l'investigation est baignée dans le silence, alors, la confusion relâche son emprise. Soyez-en conscients : il y a des concepts qui se traduisent effectivement en conscience sans entraves.
La question suivante surgit alors : est-ce que «ce que je suis» est encore un concept ?
Ce que tu penses être est un concept. Pourquoi se soucier de cette question : "qui suis-je ?" La recherche elle-même, n’est-elle pas également un concept préoccupé par l’avenir ? Et est-ce que l’avenir, ce n’est pas aussi un concept ? Oui, il en est ainsi. Et pourtant, bien qu’une sagesse d’une telle amplitude soit accessible par moments, elle est trop souvent rejetée lorsque le martèlement de la pensée émiette le fondement même de votre conviction. La sérénité est abandonnée pour l’incertitude. Rapidement, vous vous livrez (ou vous livrez ce que vous croyez être) aux torrents de votre imagination. Pourquoi ceci se produit-il ? Pourquoi, alors que vous connaissez si bien les réponses ? Vous avez entendu à maintes reprises les enseignements, et vous les avez compris et à nouveau compris. Alors, pourquoi être à nouveau piégé, encore et encore, dans ce traquenard conceptuel ? Parce que l’examen est superficiel et que la compréhension est incomplète. Vous savez que c’est la pensée, le conditionnement et les concepts qui sont les racines de tous les enchevêtrements. Absolument, nous sommes clairs sur ce point. Et pourtant, la pensée est vide : ceci doit être réalisé, dans une pure simplicité. Le vide est aussi un concept, mais c’est un concept qui cesse, comme le mince filet d’un nuage, qui fond à la lumière du soleil.
Concepts de liberté
Il y a des idées selon lesquelles le silence unit, puis cesse d’exister. Les sages ont observé l’existence en silence et avec des yeux transparents. Ils sont empreints d'une brillante sagesse. En observant le temps qui passe et qui est passé sur l’horizon du présent, ils ont légué un héritage de concepts qui n’ont pas plus de substance qu’une brise de printemps, et qui sont plus précieux que l’or de l’alchimiste. Ils ont vu tout ce qui masque l’horizon et obstrue la vision. Ils ont examiné attentivement tout ce qui semble séparer les êtres de leur nature essentielle. Ils ont compris clairement tout ce qui révèle la vérité à l’intérieur de chacun des êtres. Il y a des clés qui font sauter le verrou de l’intuition et qui ouvrent la porte de la sagesse. Bien qu’il n’y ait ni chemin, ni entrée. Il y a des concepts qui dissolvent complètement l’ignorance. Les résidus que laissent ces concepts sont dépourvus d’images et intangibles. Après en avoir appréhendé la signification centrale, il n’y a aucune image, aucune compréhension et aucun concept. Il ne reste rien à quoi s’accrocher. Le concept évanescent s’abandonne dans une conscience indivisée. Quand vous êtes totalement immergé dans la signification d’un concept évanescent, alors l’incompréhensible est réalisé. Que sont ces concepts évanescents ? Comment pouvons-nous les reconnaître ? Et bien, comme nous l’avons déjà mentionné, ces concepts sont ceux qui dissipent l’ignorance et qui ne laissent aucune trace de dualité ; et ce sont ceux qu’il vaut la peine d’observer. Par exemple, le concept d’amour inconditionnel est un concept évanescent. Car celui qui se dissout dans la neutralité absolue de l’amour inconditionnel n’est plus personne du tout. Pas d’amour, pas d’autre, par d’exclusif, pas d’inclusif. Un autre concept évanescent est le fait d’être témoin. Examinez la vie à travers l’observateur silencieux. Alors, l’observateur et l’observation sont immatériels, pas plus, pas moins ; mais la réalisation naît. Ensuite, il y a le concept "qui suis-je". Lorsque l’on rentre véritablement et totalement au cœur de cette question, la question et le questionneur disparaissent pour laisser place à un silence absolu. Alors, même le silence est trop définitif. Il en est ainsi avec le concept évanescent. C’est l’idée qui efface toutes les idées. Trancher dans le vif de tous les concepts et de toutes les pensées en comprenant leur caractère non substantiel, c’est cela la liberté, et bien sûr, c’est le tout.
ShantiMayi, 1999©
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