La zone de confort est une zone dangereuse
Interview de Jivanjili par André de Jong pour le magazine “InZicht” (février 2009) Thème de l’édition de février 2009 : “clarté intérieure des femmes et sur les femmes”.
Les gens viennent à vous et s’attendent à apprendre quelque chose. Qu’est-ce-qui les motive ? Lorsque vous avez regardé assez longtemps à l’extérieur de vous-même et que vous avez changé votre coiffure d’innombrables fois, acheté assez de vêtements nouveaux, un second bateau et une troisième maison, que vous avez voyagé partout dans le monde et que vous vous êtes remarié, alors il est possible que vous preniez conscience du vide sans fin que vous n’arrivez pas à combler, et d’une aspiration indéfinie à revenir chez vous. C’est le premier signe de l’éveil de la conscience. Vous commencez à voir que vous ne pouvez pas vous épanouir avec des stimulis venant de l’extérieur de vous-même. La tradition Zen dit : “le crâne humain est la seule coupe de “mendiant” qui ne peut jamais être remplie”, on ne peut pas en avoir assez. En fin de compte, il ne peut mener qu’à une saturation et un épuisement physique et mental. Souvent, cela représente un tournant. Le dynamisme a disparu. Vous pouvez expérimenter cela comme une panique, ou cela peut se terminer dans une crise. Mais une crise peut être très bénéfique. Cette zone de confort, entièrement protégée par des soi-disants sécurités, est dangereuse. Cette société va à sa perte, parce que nous nous retenons avec ténacité à nos sécurités, parce que nous pensons que nous connaissons quelque chose. Mais nous ne connaissons rien, lorsque nous portons notre regard plus profondément. Le fait de ne pas connaître est libre de contrôle et nous avons tellement peur de perdre ce soi-disant contrôle.
Je pense que la spiritualité en tant que telle n’existe pas. Soit tout est spirituel, soit rien ne l’est. Lorsque nous utilisons le mot “spiritualité” comme une distinction, alors je suis la dernière personne qui est spirituelle. “Je suis” est la seule chose que je peux dire. Cela est total, au-delà de tout concept, y compris le concept de “spiritualité”. C’est le battement de coeur en tout et en tous, y compris la plus infime des mouches, dans toutes les formes de création, dans tous les phénomènes. Mais je comprends ce que vous voulez dire ; vous tentez de réduire la conscience aux hommes et aux femmes. Ceci donne immédiatement une perspective dualiste. A travers cela, une polarité surgit : il y a le jour et la nuit, venir et partir, le masculin et le féminin, etc. Dès qu’il y a un mot, son opposé surgit. Donc, à travers cette perspective dualiste, nous nous accordons comme étant une partie du tout. Dans un concept tel que “les personnes spirituelles”, nous voyons l’humanité dans la séparation. Alors, nous oublions que cet être humain est une partie du tout. Lorsque nous nous séparons, nous n’avons pas à nous demander si nous avons quoi que ce soit à voir avec le voisin ou la terre sur laquelle nous marchons, l’air que nous respirons ou les éléphants dans la savanne. Notre ignorance consiste dans le fait que nous sommes identifiés avec uniquement une partie du tout du phénomène universel. Le terme “univers” signifie “un chant, un vers”, le battement du coeur en tout et en tous.
Oui, absolument. Je ne veux pas généraliser parce que lorsqu’il en vient à un individu et par exemple, que je regarde dans vos yeux, je ne vois ni homme ni femme. Je vois Dieu regardant Dieu. Dans la dualité, nous distinguons des hommes et des femmes, et ils vont ensemble. Ils ne vont pas ensemble uniquement pour reproduire, mais ils sont en interaction également de toutes sortes d’autres manières, en tant que rythme. La création est intelligente, pas intellectuelle mais entièrement intelligente. Il n’y a pas de feuille qui ne se développe avec l’arbre sur laquelle elle se trouve, il n’y a pas d’arbre qui ne mûrit avec les saisons. Tout est rythme et rime. Les hommes et les femmes, différents par le genre, ont en fait des caractéristiques différentes dans l’éveil. En fin de compte, il n’y a pas de masculin ni de féminin. Mais la façon de mûrir peut être énergétiquement très différente entre hommes et femmes. Les différentes traditions spirituelles prennent ceci également en compte.
Oui, il y a également des qualités, et ces qualités arrivent à pleine maturité lorsqu’elles sont harmonisées. Jnani sans coeur, sans Bhakti, est aussi sèche sur le désert. Et Bhakti sans Jnani peut être comme une misère émotionnelle. Alors nous continuons à porter notre vénération à l’extérieur de nous-mêmes, nous sommes si insensibles et nous versons des larmes de crocodile. Il se peut alors que nous nous demandions : “où est passé le courage” ?
Exactement. Tant que nous avons un jugement, nous y restons sensible. Ce qui ne veut pas dire que nous devons tout permettre. Accepter aussi ce que l’on ne peut accepter. Il est important de ne pas aller dans l’émotionalisme des femmes ni non plus dans la rationalisation des hommes. Lorsque nous ne jugeons pas, nous sommes clairs, et dans cette clarté, nous savons si nous devons faire quelque chose ou rien et être en paix avec cela : “il en est ainsi”. Dans la clarté, il y a une certaine efficacité, une attention inséparable, comme un maître Zen qui ne peut pas être distrait lorsqu’il tire une flèche. L’efficacité signifie que vos actions sont claires sans entrer dans des courants de pensée compliqués.
La zone de confort est une zone dangereuse parce que nous nous ennuyons à en mourir et nous y rouillons. Nous sommes en train de faire perdurer une corvée et perdons notre créativité. Alors, nous pensons qu’il est choquant de nous déplacer vers un autre terrain de camping, après être resté 26 ans sur le même terrain de camping.
Je peux uniquement parler à partir de ma propre expérience. Je suis venue à cette vie avec une certaine clarté, sans savoir qu’il s’agissait de clarté. Il était difficile de me pousser à me confiner dans une boîte. Je ne prenais rien pour acquis. Selon ma nature, j’ai toujours protesté vigoureusement contre le fait d’ingurgiter la vérité comme un dogme. J’étais donc une enfant difficile. Je ne “correspondais” pas vraiment au modèle. Le contexte dans lequel j’ai grandi devrait amener un manque de confiance. J’ai été tellement niée, par des affirmations comme “tu n’aurais jamais dû naître”, “fais en sorte que je ne te vois jamais’, et “je ne veux pas qu’on me rappelle ton existence”. C’était tellement douloureux. Mais n’oubliez pas que l’univers est intelligent, et dans mon cas, j’ai porté mon regard de plus en plus profondément vers l’intérieur, pour découvrir à quel point cela allait vraiment mal. Et tout en regardant à l’intérieur – vous pouvez appeler cela la contemplation -, j’ai trouvé le Coeur. Le Coeur, ou le Centre, comme un espace ouvert et illimité, qui n’appartenait ni à moi ni à quelqu’un d’autre. Et j’ai compris rapidement que personne, y compris mon père ou ma mère, ne pouvait dire que je n’aurais jamais dû être là. J’y suis complètement tombé dedans, déjà en étant enfant.
Oui, mais mes parents ne m’ont donné aucune chance de les aimer. Mes parents n’avaient pas de temps (pour moi). Nous avions une crèche à part, avec du personnel. Il y avait beaucoup de distance, toutes les occasions de se sentir perdu. L’apparence extérieure était très importante alors que mon père et ma mère étaient dans une crise émotionnelle. Mais quel est l’avantage de ceci ? Si je vais voir un psyhoclogue avec cette histoire, il m’offrira une thérapie gratuite pendant des années. Dans notre société, nous avons l’habitude de faire un drame de tout cela, mais ce n’est pas nécessaire. Il n’y avait aucune chance pour moi d’entrer dans une zone de confort. L’attachement n’était pas possible, et l’illumination, c’est d’être complètement détaché. Donc, j’en suis profondément reconnaissante. Qui sait ce qui se produit vraiment ? Peut-être que ma mère était un maître Zen plein de compassion qui a utilisé le sabre Zen à maintes reprises pour que je ne prenne racine nulle part. J’ai vraiment dû aller vers l’intérieur pour réaliser qu’il n’y a pas vraiment de “moi” et de “vous”, qu’en essence, tout est UN.
Ceci, c’est typiquement masculin. Pour une fois, vous n’avez pas à le comprendre, laissez simplement être ce qui est. Et voyez qu’il n’y a rien d’autre qu’une possibilité, aussi peu familière qu’elle soit, pour vous. Ecouter sans analyser, c’est de l’amour pur qui ne connaît aucune condition. Cela ouvrira des portes dans la conscience à l’infini. Le danger est de penser que quelque chose n’est pas possible, dans ce cas au-sujet de mon enfance, que nous ne pouvons jamais surmonter notre enfance parce que nous sommes coincés dans un dogme. Nous avons probablement tous eu une mère qui nous a dit “bouh !” quant on avait trois ans. Nous n’avons pas besoin d’être disfonctionnel par par définition à cause de cela. |